« Ce croisement invite plus les cyclistes à suivre la route que les voies cyclables car ces voies ne permettent pas de s’y déplacer en toute sécurité de manière fluide. »
Usager anonyme du vélo sur un nouvel aménagement le long de la ligne de tram.

Quand la route est impertinente ou inexistante, les cyclistes tracent leur propre chemin, parfois au détriment de leur sécurité et de la sécurité collective.

L’exemple type ici sur l’Avenue Montaigne où les cyclistes décident d’emprunter le cheminement « illégal » en rouge plutôt que le cheminement vert plus long et traversant plus de voies de circulation.

Le projet Kennedy et Académie : l’intersection du Roi René

En Mars 2023, la ville d’Angers nous a dévoilé ses projets pour les places Kennedy et Académie. Cette zone centrale au transit, la vie locale, et le tourisme justifie un renouveau de l’espace. Cette occasion sera l’opportunité de reconquérir l’espace des voitures en faveur des humains ; d’autant plus qu’un enfant à vélo de 8 ans est décédé en 2013 sur l’intersection. Le besoin d’un aménagement cyclable de qualité est donc indiscutable ici.

L’intersection du Roi René proposée lors des réunions publiques.

A première vue, l’aménagement semble satisfaisant : séparation et continuité sont au rendez-vous pour les cyclistes. Cependant, un élément a particulièrement attiré notre attention : les SAS vélo aux feux. Pourquoi avoir des pistes cyclistes ET des SAS vélo ? L’intérêt de la piste n’est-il pas de permettre aux cyclistes de ne pas être mélangés aux voitures ? Un tel aménagement nous a été justifié comme une solution à destination des cyclistes n’utilisant pas les pistes cyclables.

Mais quel est l’intérêt de faire des aménagements cyclables si ce n’est que pour une minorité ? Surtout dans la perspective où ceux-ci décideraient de ne pas utiliser ces nouveaux aménagements en faveur des SAS vélo. Nous avons déjà eu quelques intersections de ce type durant la construction de la nouvelle ligne de tram. Les résultats ne sont pas très probants…

Durant nos observations sur l’intersection similaire à celle prévue pour le Roi René (Bd. Foulques Nerra et l’Av. Yolande d’Aragon), plus de 70% des cyclistes choisissent d’utiliser la route plutôt que les pistes cyclables.

Lorsque le CEREMA clame que “La réussite ou l’échec d’un espace public se mesure à la qualité d’appropriation par les usagers” nous pouvons conclure qu’un taux de 20% d‘appropriation est loin d’un succès…

Analysons ensemble le carrefour Foulques Nerra et Yolande d’Aragon, puis le carrefour Montaigne et André Gardot.

Retours d’expérience

Dans ces deux intersections (Yolande d’Aragon x Foulques Nerra et Montaigne x André Gardot), bien que des principes importants aient été appliqués, comme la séparation, d’autres ont été délaissés. L’efficacité, la continuité et la lisibilité des aménagements sont particulièrement problématiques ici. Les cyclistes, confus par l’aménagement décident donc de créer leur propre chemin mais cela non sans danger ! C’est pourquoi nous en parlons dans ce blog aujourd’hui.

Afin d’améliorer la sécurité routière, les aménageurs choisissent généralement de réduire les points de conflits générés par le croisement des trajectoires des usagés. Cependant, lorsque les aménagements échouent à être pertinents aux cyclistes, les cyclistes créent leur propre trajectoires, augmentant exponentiellement les points de conflit et donc les risques d’accident.

Quelle solution pour Kennedy ?

 

A Place au Vélo Angers, nous défendons un système où chaque usager, qu’importe ses capacités, son vélo et les circonstances puisse utiliser l’aménagement avec plaisir, dans le confort et la sécurité.

Les retours d’expérience montrent que le carrefour Hollandais est le plus adapté aux contextes étudiés durant ce blog. Bien que des tentatives aient été essayées sur les deux carrefours avec des versions à la sauce Angevine, essayer de le réinventer mène souvent à une forte réduction de sa valeur ajoutée.

Ayant prouvé sa capacité à soutenir de grands volumes de véhicules et de vélos, ce carrefour originaire des Pays-Bas nécessite cependant une grande attention aux détails que ceux tentés sur l’agglomération d’Angers n’ont pas réussi à reproduire parfaitement.

emSur le modèle néerlandais, il est bien plus facile de décrypter ce que le cycliste est censé faire et où il doit passer. L’exemple Angevin, lui, dilue la clarté de son aménagement à cause des matières au sol, des franchissements de bordures, de la surabondance de potelets et de peinture.

Que conclure des plans de la ville ?

L’itinéraire sécurisé ne doit pas être une option ni une contrainte, mais l’unique solution de cheminement cyclable possible.

Cette solution doit donc être la meilleure et la plus agréable possible afin d’amener les cyclistes en masse et assurer des intersections sécuritaires, agréables et accessibles pour tous les usagers.  

Nous devons faire des aménagements cyclables aussi inclusifs pour les cyclistes que nos autoroutes le sont pour les automobilistes : pas besoin de voiture de sport, de réflexes de pilote de formule 1 ou d’une vision de pilote de chasse pour l’utiliser. Juste une voiture en état de marche et un permis de conduire.

Concrètement, ces principes se manifestent sur le carrefour du Roi René par des piste plus larges que les pistes de 1m80 inférieures aux recommandations même les plus laxistes, des intersections faciles à comprendre, des girations douces et non à angle droit et des intersections à niveau avec la chaussée.

Bien que les aménagements cyclables proposés ces dernières années partent de bonnes intentions, des lacunes persistent dans la philosophie d’aménagement. Lacunes que nous espérons avoir suffisamment mises en évidence grâce à deux études quantitatives et qualitatives d’usagers que nous avons communiqué aux décideurs en Juin 2023. Les rapports sont disponibles en pied de page.